Une France acquise au sarkozisme. Des pistes pour la combattre

Publié le par Gabe

Je pense à tous les immigrés avec ou sans-papiers qui se déplaceront la peur au ventre, à ceux qui se demandent s'ils ne feraient pas mieux de faire leurs bagages.

Je pense à tous ceux qui se disent que la France est définitivement un pays de flics, qui voient devant eux les pires années possibles, les risques qu'ils devront prendre ou qu'ils devront éviter.

Je vois les jours à venir, les rues peuplés de ces sarkozistes invisibles, qui se pensaient de droite et s'assumeront peut-être désormais fachos.

Je vois les riches, les jeunes cons et les vieux cons, fiers à d'avoir gagné : on enverra, chez les autres, toutes sortes de flics (police proprement dite mais aussi CAF, ANPE), afin d'apaiser leur haine, on les caressera dans le sens de leurs préjugés, de leur ignorance.

A chaque personne que je croiserais dans les jours à venir, je me demanderais si elle a voté Sarko, comme autrefois je me demandais si ce crâne rasé était un facho, à la différence près qu'il y a 20 millions de ces cons et de ces connes-là en France.

Sarko est arrivé, on s'y attendait depuis longtemps, on avait bien senti une tendance profonde, dans la façon même dont les "problèmes" d'actualités étaient amenés, présentés, dont les discours affichaient de plus en plus ouvertement les opinions les plus obtuses, les plus répressives... comme si celles-ci allaient de soi.

Des têtes biens acquises, du riche au prolo, appâtés par les slogans alignés, les apparitions spectaculaires, les "qualités" d'homme à poigne, de mec-qui-dit-tout-haut-ce-que-Le-Pen-dit-tout haut, d'un personnage si finement usiné, pensé, travaillé.

Qu'on ne me parle pas de notre démocratie comme si elle était le lieu de l'expression de toutes les opinions. Miser sur les affects, le ressentiment pour établir des vérités, tel a été la stratégie de Sarkozy. Dans ce cadre, notre régime est apparu clairement pour ce qu'il est essentiellement : un système de gestion et de réorientation de ces affects.

Le travail de Sarkozy a consisté à empêcher toute identification du smicard avec le érémiste, du gentil français avec le sans-papier, du gentil jeune avec le méchant lascar. Il fallait faire aboutir l'isolement de chacun sur la haine de l'autre, faire reposer la responsabilité de sa propre vie sur la présence de « parasites » et créer des liens aussi dangereux qu'improbables : si, moi ouvrier je fais ce boulot de merde, c'est pour payer les érémistes, loger les sans-papiers et les glandeurs de la fonction publique ; si, moi, artisan, je suis dans la merde, c'est à cause des profiteurs, etc... Miser sur la sale vie des gens, sur leur sentiment de bosser pour rien et sur leurs peurs, tel a été le pari de Sarko pour s'attirer les électeurs du front national... sachant ses électeurs traditionnels déjà acquis.

Pour devenir celui qui répondrait à leurs attentes, Sarko a contribué à créer des étrangers, des ennemis intérieurs : le "clandestin, le "casseur", l' "intégriste", le "profiteur", le "jeune de banlieue", le "gréviste", le "multirécidiviste"... Contre ces figures, il a proposé de s'unir à l'opinion, s'unir dans une opposition proprement viscérale : l'incapacité à s'identifier doit s'inscrire dans le corps dans la perception que l'on a de soi, pour pouvoir être stimulée à la moindre évocation de l'un de ces termes.

Ce qui s'élabore sous nos yeux est la communauté du pire. Une « nation » réinstituée sur de multiples mensonges.

Où est passée la France qui se moquait des flics passant leur journée à boire au bar du coin ? Celle qui tentait de bosser le moins possible pour se garder du bon temps ? Celle qui avait le sang de la colonisation sur les mains et la haine de la guerre ? Celle de la solidarité de quartier et de l'opposition à l'Etat ?

Aujourd'hui, c'est « l'Etat c'est nous », les flics « qui font leur travail », « la France au travail » et « la colonisation française fut la plus humaine de tous ». Après le saccage de la mémoire de 68 (lisez à ce propos Mai 68 et ses vies ultérieures de Kristin Ross), il ne reste plus qu'à réhabiliter Pétain et la saine attitude des français à l'époque pour que la boucle soit bouclée.

Un pas a été franchi hier, les urnes ont légitimé des insanités qu'il aurait été impossible de dire il y a 30 ans, ont consacré les propos les pires comme des vérités, ont permis à la France la pire de renaître de ses cendres, une France droitisée, fière de sa haine, fière de la petitesse de ses pensées et de son « bon sens » étriquée, une France du rejet qui « intégrera » à coups de trique s'il le faut.

Reste la question : comment combattre cette France-là ?

Les mots, les enquêtes, les chiffres n'y suffiront hélas pas, les bagarres avec les flics non plus. Pour l'instant, nous devons nous compter, établir les liens que l'on croyait jusque là impossible, nous trouver des bases de replis, penser à des stratégies multiples, convergentes, occuper, bloquer ce qui peut l'être... Beaucoup parlent d'unité -- comme d'ailleurs Sarko -- mais méfions-nous : si l'antisarkozisme est un antifascisme, il porte en lui les mêmes limites que ce dernier.

Ce n'est pas une gauche une énième fois modernisée qui nous apportera le salut... une gauche qui semble accepter sa défaite « démocratique » alors que se dresse en face d'elle un danger jamais vu depuis 60 ans... une gauche sans doute aveuglée par ses propres propos, qui se sont eux aussi plus que jamais droitisés...

La LCR, les MJS et leurs alter egos syndicaux vont vouloir organiser à nouveau la « résistance » des citoyens solitaires et « conscients », vont mettre des foules dans les rues, organiser des rassemblements symboliques pour dire « non »,etc.

On sait d'expérience le peu d'espoir que nous pouvons fonder sur ce type de mobilisation, mais nous pressentons aussi comment gagner des forces, sur quoi nous fonder : nos amis et nos proches.

Nous allons avoir besoin de tenir sur le long terme et de trouver les moyens de nous ressourcer, besoin de moyens alternatifs de nous coordonner, de nous passer les infos (radio peut-être, écrit, « téléphone rouge » d'alerte...).

Il nous faudra tenter d'occuper le plus de lieux possibles, des lieux qui pourraient nous rester accessibles : facs, lycées, maison de quartierd... faire que dans des quartiers entiers on montre que l'on n'accepte pas que Sarkozy règne en maître...

Voilà, c'est tout, ce n'est rien... Juste des pistes : certaines choses sont sûres en tout cas : nous allons devoir faire gaffe aux RG (téléphone mobile, etc), apprendre à réagir quand certains sont en train de se faire choper pour les libérer, apprendre à passer inaperçu quand il le faut, à trouver les bonnes stratégies pour éviter toute récupération et tout dénigrement... Ce qui n'est pas une mince affaire.

Salut à tou-te-s


Article pris sur Indymedia, infos libres

Publié dans koafaire

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